Je sortais de la salle, le plateau de fruits à la main. Comme à chaque fois, Rosa avait voulu des fruits. Spécialement, des mûres sauvages, des framboises et des fraises des bois. Donc lorsque sa majesté la reine des garces avait eu ce désir débile, j'avais dû courir dans la forêt pour aller cueillir ces foutus fruits comme une vulgaire nymphe des bois. Le pire, c'est qu'elle y avait à peine touché... Si je n'avais pas l'habitude de ses caprices idiots, je les lui aurais fais avaler par les narines !

Mais il y avais bien longtemps que j'avais l'habitude d'être traité comme un vulgaire esclave. Rosa était ma soeur jumelle mais surtout, elle était la reine des Ombres ou si vous préférez des Elfes Noirs. Notre reine à tous. Et devinez quoi ? Je la haïssais, elle et tous ses caprices à la con !  Si je le pouvais, je l'étranglerais sans aucune hésitation. Pourtant, c'était l'éducation des Ombres... Les femmes étaient souveraines et dominaient les hommes. Pourquoi ? Nous n'en savions rien, c'était ainsi depuis la nuit des temps. Les femmes avaient le pouvoir et nous, pauvres hommes misérables que nous étions, nous devions nous plier à leurs règles. Rien que d'y penser, je soupirai. J'aurais dû naître chez les Astres. Les elfes de Lumière étaient tous sur le même pied d'égalité... Etre le frère jumeau de la reine me donnait juste le privilège de ne pas subir de réelles persécutions ou humiliations. Dehors, la vie d'un homme était... Horrible.

J'entrais dans la cuisine, toujours ruminant mes pensées de vengeance. Je posais le plateau sur une table puis je m'éclipsais dans ma chambre. Enfin... En réalité, c'était une petite pièce qui avait dût servir de débarras. Dans un coin, entre une table branlante et une armoire dont l'une des portes avait été presque arrachée et qui pendait, se trouvait ma paillasse. En réalité, j'avais pris une table abandonnée dans une salle, je l'avais recouverte de paille et autre matière assez douce afin de rendre le bois de la table plus confortable. Dans l'armoire à la porte arrachée, je pliais soigneusement les maigres possessions que j'avais acquises au cours de ma piètre existence. Des vêtements que j'avais réussis à voler à droite, à gauche...

Plus j'observais cette pièce minuscule, sans  fenêtre, puante d'humidité... Plus je pris conscience que je ne supportais plus cette vie, cette situation... Pourtant, j'avais essayé de m'adapter à cette vie minable en me disant que j'étais en vie, que je ne manquais pas de nourriture et que j'avais un toit... Mais vivre comme un esclave ne me convenait absolument pas. Il fallait que je m'en aille... Loin, très loin... Où ? Je n'en avais absolument aucune idée. Mais j'étais prêt à risquer ma vie pour ma liberté. Si je ne pouvais pas l'avoir, il était alors temps pour moi, de quitter enfin ce monde.