Calypso Kostas était assise face à son bureau. Comme toujours, dos à la baie vitrée de la pièce. Elle n’aimait pas être déconcentrée par la vue du haut du gratte-ciel. C’était une femme d’affaires, pas une gamine rêveuse. Elle n’avait pas le temps pour ce genre d’idioties. Il fallait qu’elle soit concentrée sur ses chiffres, ses ventes… Alors pourquoi observait-elle l’écran de son Mac sans bouger ? Pourquoi n’était-elle pas en train d’hurler sur ses employées ? Pourquoi n’était-elle pas aussi active que d’habitude ?
Mais quelqu’un la sortit de son inertie en frappant timidement à la porte. Calypso observa la porte quelques secondes, comme perdue, et finalement elle permit à son visiteur d’entrée. Torrie Stephenson, sa secrétaire entra dans le bureau. Elle lui déposa des dossiers en lui expliquant rapidement le contenu et lui rappelant qu’elle avait un rendez-vous avec une représentante d’une association luttant contre les violences faites aux femmes. Calypso acquiesça. Elle avait acceptait de voir cette femme mais elle regrettait déjà cette décision… Mais il fallait bien redorer l’image de l’entreprise. Calypso donnait l’image d’une femme froide, distante, imbue de sa personne. Elle avait donc eu l’idée de redorer son blason en se faisant passer pour une femme se créant une carapace mais qui dans le fond a un grand cœur. C’est ainsi qu’elle avait décidé de donner de l’argent à de nombreuses associations caritatives mais toujours dédiées aux femmes et aux enfants. Malgré tout, Calypso n’était pas si insensible.

Torrie était sortie quelques minutes lorsqu’elle revint accompagnée d’une femme brune au visage chaleureux. Néanmoins ses yeux semblaient témoigner de la force de caractère de cette femme. Le genre de femme qui ne se laissait pas faire.
Calypso fit le tour de son bureau et se tint face à la nouvelle arrivante. Elles se jaugèrent quelques instants du regard puis la femme lui tendit la main en lui disant :
« Bonjour madame Kostas. Je suis Circé Daniel. Je suis la directrice de l’association « Stronger ». Je vous remercie de me consacrer un peu de votre temps.
- C’est bien normal, entre femmes, nous devons nous aider… Installons-nous… »

Calypso retourna alors derrière son bureau, tandis que Circé s’installa face à elle. Comme à son habitude, Calypso attendit son interlocutrice parle. Elles restèrent ainsi pendant plusieurs minutes. Tout simplement parce qu’à nouveau, elles se jaugeaient. Calypso savait qu’elle genre de femme était Circé… Elle était faite du même acier qu’elle… Dure, autoritaire… C’était elle qui menait la danse, pas les autres. Circé l’observait d’un œil très attentif… Puis, elle demanda :

« Je vais vous paraître présomptueuse mais je ne veux pas de l’aide d’une personne qui aurait renié ses origines… Notre passé fait de nous ce que nous sommes et ce que nous serons.

- Venez-en au fait, lui dit Calypso avec agacement.
- D’où venez-vous, Madame Kostas, lui demanda Circé avec dédain.
- Pourquoi cette question ?
- Je vous l’ai dit, je refuse l’aide d’une personne qui n’assume pas ses origines. »

Calypso haussa un sourcil. Cette femme était plutôt culottée… Elle avait besoin d’aide mais elle s’adressait à Calypso comme si Calypso lui était redevable ! Pour un peu, Calypso l’aurait jeté sans détour de son bureau… Pourtant, quelque chose chez cette femme l’intriguait.

« Je viens de Détroit, de Delray plus précisément…

- En êtes-vous sûre, Calypso ? »
Calypso se mordit la langue. Comment cette femme osait-elle se montrer aussi familière avec elle ? Elle ravala l’insulte qui lui brûlait les lèvres. Elle se joignit les mains sans un mot. Circé garda le silence avec un sourire narquois. En un instant, tout bascula…
Circé prit le contrôle de la discussion…

« Calypso Kostas… Votre prénom et votre nom de famille sont d’origine grecque.  Vous n’êtes pas une américaine pure sang. Vous êtes grecque.  

- Sortez de mon bureau, murmura Calypso d’un air menaçant.

- Calypso, selon la mythologie grecque, était une nymphe, poursuivie Circé imperturbable. Lors de l’Odyssée d’Ulysse, ce dernier avait eu la mauvaise idée de se reposer chez la jeune nymphe, qui rapidement, tomba très amoureuse de lui. Elle le garda auprès d’elle durant sept ans, lui proposant l’immortalité… Ce qu’il refusa… Tu dois te demander pourquoi je te raconte tout ça… Tout simplement parce que tu n’es pas celle que tu crois, Calypso… Tu es l’une des descendantes des furies. Je suis ta sœur… Coralia et moi t’avons cherché partout… Ton passé n’est qu’une pure invention… Et je vais te le prouver ! »

Calypso était pétrifié devant cette femme qui lui racontait les pires bêtises. Elle ne savait pas si elle devait en rire ou en avoir peur. Elle se leva alors d’un bond prête à appeler la sécurité. Circé avait plongé la main dans son sac à main. Calypso fit le tour de son bureau mais Circé se planta devant elle et souffla une espèce de poudre rouge sur son visage.
Calypso n’eut pas le temps de comprendre que le monde se mit à tanguer autour d’elle avant que les ténèbres ne l’emportent…

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